
Veiller sur les braises évoque un moment suspendu durant lequel nous craignons que l'incendie s'intensifie à nouveau. Dans cet instant de faux-calme, nous sommes démuni.e.s face aux ravages causés par les flammes, contraint.e.s de contempler les désastres infinis de l'incendie. Au loin,
se dévoile un paysage lunaire à perte de vue, totalement défiguré et brouillé par la fumée, tandis que sous nos pieds, une chaleur inhabituelle émane de la terre couverte d'un tapis de cendres.
En écho avec la triste actualité, les feux de forêts que je peins présentent une nature démesurée, imprévisible et révoltée. Face à cette violence, je cherche à trouver un semblant d'espoir en arpentant des territoires sinistrés. J'y glane des objets-témoins marqués par ces catastrophes environnementales. Mes Caputs, désignant à la fois un objet hors d'usage en allemand et la tête en latin, tirent leurs origines de ces récoltes. Ces minéraux aux allures étranges jouent de la paréidolie pour s'animer. Ils apparaissent tels des mirages parmi les vestiges du désastre, veillant à ce que la nature reprenne ses droits.
Malgré les nombreuses manifestations du feu dans mes peintures, la menace se dissimule sous bien des aspects. Elle peut se voiler derrière un écran de fumée comme s'échapper hors du champs du tableau. Parfois, elle prend la forme d'une figure rassurante procurant un sentiment d'instabilité, comme mes braques de Weimar. Ces chiens de chasses adoptent une posture ambiguë et imprévisible. Dans ces terres désolées, ils se dressent en meute, à mi-chemin entre le fidèle compagnon docile et la bête errante agressive. Sont-ils victimes ou complices de cette tension ?
En opposition aux minéraux qui semblaient prendre vie, ces chiens d'arrêts se figent simulant des statues de chairs. Les reflets sur leur pelage de velours habillant leurs muscles saillants les couvrent de bronze ou d'argent.
La menace enveloppée d'une texture duveteuse n'est pas sans rappeler les épaisses fumées provenant des méga-feux. Ces reliefs de cotons se répandent dans mes compositions et redessinent l'horizon en dépit des paysages qu'ils refaçonnent. Bien que leurs apparences soient douces et onctueuses, ils n'en sont pas moins étouffants et oppressants. Ces masses jusqu'ici opaques s'ouvrent vers un ciel éclatant ou vers une aube prometteuse. Dans un devenir incertain, Veiller sur les braises évoque la lueur d'un espoir que le drame s'achève sous peu.
Tom Nadam